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PRIS EN HOTTAGE POUR AVOIR PRODUIRE UN FILM





Pouvez-vous vous rappeler dans quels endroits vous étiez retenu captif ?

Non. C’est vraiment difficile parce que non seulement j’avais les yeux bandés mais surtout parce que mes ravisseurs s’arrangeaient à nous faire déménager toutes les 24 heures. Ce qui me revient à l’esprit, c’est leurs visages qu’ils ont délibérément exposés à chaque fois qu’ils m’interrogeaient. Les deux premiers jours, j’avais affaire à cinq ou six hommes en tenue qui se sont ensuite changés pour s’habiller en tee-shirt de couleur noire. Je me rappelle qu’il y a l’un d’eux qui me demandait tout le temps ce que deviendront les Bamiléké sans Paul Biya. J’ignore pourquoi il me le répétait.


Que vous reprochaient concrètement vos ravisseurs ?

Ils me soupçonnent d’être le bras armé d’un mouvement révolutionnaire qui veut plonger le Cameroun dans le chaos. Que mon dernier film est tendancieux et qu’il représente une menace pour les idéaux de paix que prône le chef de l’Etat. Ils m’ont demandé une dizaine de fois qui se cache derrière ce film, que je leur dise celui ou ceux qui ont financé le film. Ils m’ont également demandé pourquoi mon film est sorti officiellement dans la même période que celui de Jean Pierre Bekolo. Des tas de questions qui renvoyaient même à ma supposée appartenance à la famille de feu Pius Njawé puisqu’ils me soupçonnent même d’avoir participé au forum organisé par les membres de la diaspora aux Etats-Unis. Forum pendant lequel le pionnier de la presse indépendante est décédé. Ils pensent que le jeune acteur nommé Njawé qui joue dans ce film est une façon implicite pour moi de montrer qu’après la mort de Njawé, le gouvernement a enrôlé son fils.


Acculé de toutes parts comme c’était le cas, que leur avez-vous donc répondu ?

Je ne leur ai dit que la vérité: que j’ai produit mon film sans tenir compte de tous ces préjugés et a priori. Je n’ai jamais rencontré Pius Njawé de ma vie et mon film était juste une façon de lui rendre hommage ainsi qu’à tous les autres chevaliers de la plume qui ont trouvé la mort dans l’exercice de leurs fonctions. A un moment, ils m’ont demandé la nature de mes rapports avec Ama Tutu Muna, la ministre des Arts et de la culture prétextant que les Bamilékés et les anglophones font partie des deux tribus qui conspirent pour que le Cameroun plonge dans le chaos. Je leur ai juste répondu que mon film a reçu d’Ama Tutu Muna, en sa qualité de présidente de la Commission nationale de contrôle des films cinématographiques et des enregistrements sonores, l’autorisation à l’importer et à l’exploiter au Cameroun.


Selon vous, qu’est-ce que votre film a de si particulier pour attirer sur vous les foudres de certaines personnes qui disent défendre les idéaux du pays ?

Je ne peux pas répondre à cette question puisqu’en réalisant ce film, je n’avais nullement l’intention de provoquer qui ce soit. Je suis un cinéaste engagé et je pense avoir adopté une démarche professionnelle. Que mon film fasse autant d’émules et mette mal à l’aise des gens aujourd’hui me surprend moi-même. Dieu merci je suis en liberté mais pour avoir vécu dis jours dans l’enfer, je ne me sens pas toujours en sécurité.

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